Clones / Contrefaçon vs Originaux : La guerre, et ses victimes

Devant l’état de cette constatation, il me semblait important d’en parler, de mettre des mots sur des idées, et de pousser le raisonnement en dehors des sentiers trop faciles qu’utilisent certains.

L’origine, les faits :

Il y a quelques années apparaissait un nouveau moyen pour nous de consommer de la nicotine : la cigarette électronique. Elle ressemblait à une « tueuse » traditionnelle, elle poussait même le vice à proposer un faux foyer qui s’allumait lorsque l’on tirait dessus. Elle avait été inventée par un chinois, même deux.

« Le premier dispositif rendu public destiné à simuler l’utilisation d’une vraie cigarette a été réalisé en 2003 par Hon Lik5, un ancien pharmacien et ingénieur chinois qui a déposé en 2005 un brevet pour une « cigarette sans fumée à pulvérisation électronique »6. Toutefois, ce premier dispositif exploite alors la technologie de nébulisation par ultrason. (…) La technologie de vaporisation par résistance chauffante, seule technologie commercialisée pour les cigarettes électroniques actuellement, a été inventée et brevetée vers 2009 par le chinois David Yunqiang Xiu (修运) avec son « Electronic Nicotine Delivery System (ENDS) ». »

De quoi donner du poids au fameux : « De toute façon, le brevet est chinois ». De fait, le brevet de la roue est probablement mésopotamien.

D’un point de vue personnel, je préfère le résumé qu’en fait très bien Yannick de « Mod in France », ici.

L’évolution : ego-650

L’essor de la cigarette électronique, on le doit majoritairement aux « kit eGo 650 » qui se sont vendu comme des petits pains en 2012 et en 2013. Et bien, mettons tout le monde d’accord sur un fait: 99% de ces kits étaient des clones. Rien que le terme « eGo », pourtant ostensiblement inscrit sur nos petits tubes noirs, était une marque déposée à l’INPI (ce qui ne semble plus être le cas à l’heure où j’écris ces lignes) et pourtant, tous les fabricants (encore en majorité chinois) l’apposait sans complexe sur toutes les batteries qui quittaient Shenzhen. On peut donc tous dire qu’on a utilisé des clones, enfreignant au moins un brevet et un dépôt de marque.

provari-300x225Ce n’était qu’il y a 18 mois…

En bien, ce n’est plus si simple. Les atomiseurs reconstructibles et les mod se sont démocratisés en masse, et emplissent maintenant groupes Facebook, forum et vapéros. De nouvelles pratiques sont apparues, de nouveaux marchés aussi. La production s’est diversifiée, des artisans (Grec, d’Europe de l’est, et maintenant Philippins) se sont démarqués, et ont toujours fait évoluer nos vaporisateurs vers plus de gout, plus de vapeur, plus de qualité… J’ai personnellement connu ce virage au moment où Provape sortait son Mini-Provari, et où il était préconisé de monter son Kayfun de Svoemesto avec un drôle de papillon en silice.

Et la, « patratra », les « clones » arrivent :

Une immense vague, propulsée par Alibaba et Fasttech, des prix sacrifiés, des « clone mod », des « atomizeur style » envahissent la toile. Les usines chinoises (encore?) produisent en masse des modèles « bestseller » en fracassant le prix, et leurs marges au passage. Le calcul est simple : quand un moddeur gagne 10€ sur un produit, pourquoi ne pas gagner 1€ et en vendre 10 fois plus?

L’heure du bilan :

Aujourd’hui, qu’y a-t-on gagné? A mon sens, pas grand-chose. La communauté s’est divisée, entre consommateurs avides et défenseur de l’artisanat, des combats perdus d’avance ont été lancé, scindant toujours au passage les premiers concernés : nous.

  • Nous avons eu le cas du vendeur sommant le blogueur de ne plus parler de clone, menace judiciaire brandit en guise d’étendards.
  • Le consommateur, insatisfait de son mod, qui l’envoie (et s’en vante) se faire cloner en chine, par vengeance, pour une histoire de longueur d’accus.
  • Le distributeur demandant le retrait de certain forum des sujets vantant les contrefaçons des produits qu’il distribuait.
  • Le dépôt à l’INPI des noms et la copie de liquides « best-seller ». Un deuxième cas a été rapporté, autour d’un liquide rouge bien connu.

Des histoires comme celles-là, il en sort une par mois depuis quelque temps. Nous, on est toujours au milieu, défendant notre vision, et ne trouvant aucun argument massue pour étourdir le camp d’en face. On s’estime tous du bon côté de la barrière.

 


 

no-clone

Il me semble primordial de rappeler quelques notions, que, d’un point de vue personnel, le camp d’en face semble vouloir oublier. C’est donc sans surprise que vous apprendrez que je suis pro-original, et je me servirais d’éléments très factuels pour exposer mes idées. J’espère peut-être ainsi participer à l’évolution du débat. J’utiliserais toutes les déclarations habituelles qui tendent à banaliser les produits contrefaits.

« Un original c’est hors de prix » 

Réponse facile : NON.

Un recensement des mod originaux autour des 100€ a été réalisé, sur un forum il me semble, et a été repris un peu partout par les « anti-clones ». Nous republions donc cette liste :

  • – Les mods de GUS de 40€ à 90€
  • – Les mods de JM Mods de 36€ à 94€
  • – Le Sirus II de VapeArt à 50€
  • – Les mods de NoName de 88€ à 98€
  • – Les Agama de ModInFrance à partir de 79€
  • – Le Gecko de ModInFrance à partir de 70€
  • – L’Amstaff d’Animodz à partir de 89€
  • – Le Kikeriki à partie de 65€
  • – Les E Pipes de ModsInBreizt à partir de 35€
  • – Le Magnetic Dragon de Sohers à partir de 70€
  • – Les Mods de Atmizone (Dingo Roller Lab Guppy) à partir de 90€
  • – Le Bulldog de Delaniemods à partie de 56€
  • – L’Hamoriko de Chells à partie de 35€
  • – Le Microstick de Chells à 100€
  • – Le Mecavape 14500 à 85€
  • – Le Fakir FX22 à 77 €
  • – L’Ambassadeur de VJ Mods à 50€
  • – Le Ego Mod de Yenki à 32€
  • – Le Combo Hybrid de Yenki à 96€
  • – Le Diablo Reaver de Diablo Mods à 100€
  • – Le Touchwood mini à 85€
  • – Le Nanos de MM Vapors de 79€ à 105€
  • – Le Morph 2 à 70€
  • – Le Mr Jack de Classic Fog à 90€
  • – Le Ant Battery Mod de Holy Land Mods à 70€
  • – Le Picolo de VapourArt moins de 100€
  • – Le IQ Hybrid de Iullius à 57€
  • – Le CorvinusS de Corvinus Mods à 85 €
  • – Le Fortune Mods à 72 €- Le EA Mod B à 90 €
  • – Le Squier Hybrid (dripper) à 65 €
  • – Les Rat Vape Bomb à 88 €
  • _ Mod Gladiator a 59.90€
  • –  Ares 26650 a 85€
  • – petit gros de vaponaute 110 €

Il est vrai que pour la plupart d’entre nous, 100€ reste une somme. En général, je crois que nous oublions un peu trop facilement que deux de nos anciennes cartouches de cigarette nous coutait plus cher. Et tout ce qu’on en retirait, c’était une odeur de tabac froid et des cendriers à vider. Ici, avec cette liste, vous pourrez probablement garder votre mod des mois, des années, à vie même, avec un peu de précaution et d’entretien. C’est un investissement, un pari sur le futur. Et puis, parfois, ça peut être un super placement, bien plus rentable qu’un livret A.

Pour la petite histoire, le mod Caravella, tiré à un petit nombre d’exemplaire, se vendait autour des 150€ chez le moddeur il y a 16 mois, et part aujourd’hui aux alentours de 1500€ lors de vente aux enchères ! Et ce n’est absolument pas un cas isolé.

« Les modeur se graissent sur notre dos »

Corolaire du « l’original coute cher ».

N’étant pas modeur moi-même, je me suis adressé à Yannick, créateur de Mod in France, et Président du collectif des modeurs français. Je lui ai demandé de chiffrer le temps de « recherche et développement » d’un nouveau produit, en l’occurrence son Furcifer (prix de vente en boutique : 155€).

Il m’a répondu que, grosso-modo, il avait bossé 200 heures sur la création et le prototypage de son tube.

Yannick est à son compte. S’il avait été ingénieur dans une grosse société, il aurait été payé pour le « temps passé à réfléchir ». Si on prend un SMIC horaire (un ingénieur en R&D gagne cinq fois ça dans une entreprise), on s’aperçoit rapidement qu’il devrait toucher 7.40 (smic horaire) x 200 (heures de travail) = 1480€. C’est quelque part pour lui un investissement à fond perdu. Le temps qu’il passe à travailler sur son projet, c’est du temps qu’il ne passe pas devant la TV, à faire du sport,  ou avec ses proches. Et n’importe qui trouverait normal d’être payé pour ça.

Ajoutons à ça le coût des machines sur lesquelles il travaille. Le Furcifer sort entièrement de son atelier, il ne sous-traite rien. Toujours selon Yannick, l’outillage et les machines nécessaires à une telle production coute la bagatelle de 5000€. Et il s’agit ici uniquement de produire « un tube à pile ». Je vous laisse imaginer le matériel utilisé pour fabriquer un D-Mass, un Steampunk ou un Pyra.

Ensuite, vient le moment de la commercialisation. Et encore une fois, Yannick est très clair : « Pour donner une idée, sur un Furcifer vendu en boutique 155€ il y a plus de 50€ de taxes payées à mon niveau et au niveau de la boutique ». Un gros tiers du prix d’achat donc. Sans même parler de la marge que la boutique doit faire pour gagner sa vie. Inutile de se lancer dans des calculs comptables compliqués : Produire un seul Furcifer a déjà couté à Yannick 6480€, et il ne l’a même pas encore vendu.

Dernier point, le coût des matières premières : on peut le qualifier de négligeable, c’est un poste de dépense, mais il est loin d’être le plus grand.

Finalement, Yannick le dit assez bien « ce qu’on paie [chez un artisan] c’est son cerveau et ses mains ».

« C’est une galère, y’a jamais de stock »

Si. Mais faut regarder un peu plus loin que son nombril de consommateur.

En continuant de parler avec Yannick, on s’aperçoit rapidement qu’il travaille seul, dans une production artisanale. Et ce n’est pas le seul. Il n’aura jamais la possibilité de sortir 300 tubes par jours. Ses journées, comme les nôtres, ne font que 24h.

Vouloir acheter un original, se payer un morceau de qualité et de savoir-faire, c’est aussi être prêt à attendre son « précieux » quelque temps. Ce n’est pas un domaine où la grande distribution existe, ou tout est toujours disponible. C’est aussi ça, l’intérêt de l’original. Lorgner, attendre, être un brin frustré, comparer les modèles, être sûr qu’on fait le choix idéal. Poser une décision. Chez les grossistes chinois, c’est facile, c’est le «Auchan» de la vape. On achète plein de truc inutile, on les a (relativement) vite, on s’en sert, et on s’en lasse.

« Sans les clones, je n’aurais pas eu accès à du bon matériel, je refumerais des clopes »

Effectivement, sans les clones, tu n’aurais pas pu parader fièrement avec ton tube gravé « ange de la mort » (probablement le clone le plus vendu). Mais il y a d’excellents produits chinois, originaux, qui marchent très bien, mieux que certain clone, et qui sont ni cher, ni « jamais en stock ».

Je veux un ato à dépression ? J’achète un Kayfun/Russian/Taifun clone, sinon je rachète des clopes.

Bah non mon gars, t’achètes un Fogger, au pire un HC, ça te coûte pas cher, la moitié des boutiques de la terre en ont en stock.

Je veux un dripper de ouf pour faire les nuages de Rip Tripper ?

Un mutation X, un Caterpillar, ça fait le boulot, ce sont des modèles originaux et accessibles.

Je veux faire du Gensesis pour vaper à l’américaine, il me faut un kraken clone !

Le RSST est fait pour toi.

Je veux un méca trop classe

Le magnéto, le Fury-S, le Natural. On trouvera toujours un pendant « légal et original » à nos envies.

Je pourrais continuer cette liste pratiquement indéfiniment. On trouve aujourd’hui des tonnes de références de produits peu chers, et qui fonctionnent très bien.

« De toute façon, les originaux sortent des mêmes usines que les clones »

Encore une fois : non.

Les clones sortent d’usines de productions à la chaîne. Ils sont fait avec de l’inox qui parfois rouille (paradoxe, quand tu nous tiens), ou peuvent contenir des métaux lourds. Ils ont souvent des vices de fabrication qu’un modeur artisanal n’aurait jamais laissé passer. Ça explique de fait le petit prix de ces copies.

Les usines de production « semi-artisanale », en Asie,  il en existe, certain modeur français font appel à eux, et ils ne s’en cachent pas. Mais je vois mal ces sous-traitants tirer une balle dans le pied de leurs clients en sortant des produits contrefaits.

« Les modeurs ne déposent pas de brevet, c’est bien fait pour eux »

C’est vrai, il est rare que les modeurs déposent un brevet international sur leurs créations. Par contre, d’autres industriels (du luxe notamment) le font. Est-ce que ça retient les usines chinoises d’en exporter 50 containers par an ? La réponse est non. De plus, le dépôt n’est pas gratuit, et cela impacterait forcément le prix de leurs créations.
Pire, quand les distributeurs de certaines marques font les démarches pour limiter l’import et la promotion des clones, ils sont conspués par la communauté, et on peut profiter de la largesse d’esprit de certain appelant au boycott (interdit en France). Vous n’avez plus le droit de défendre votre propriété intellectuelle, sinon la communauté vous lance des cailloux.

Je vous le demande, à vous, là, qui me lisez, et qui fulminez sur mon argumentaire :

Si un pays d’Asie produisait le même travail que vous, en utilisant vos idées, pour dix fois moins cher, et du coup si vous peiniez à remplir l’assiette de vos gosses, vous seriez toujours aussi content de la présence de la contrefaçon en masse ?

Vous vous lanceriez toujours dans de grandes diatribes pleines d’un argumentaire que je viens de balayer ? Quand vous cliquez sur « chekout » sur FT ou ailleurs, pensez-y, regarder votre fiche de paie, et estimez si les 7h par jour de votre travail peuvent être faite en chine…

Effectivement, il y a des originaux hors de prix, mais il en faut pour toutes les bourses. Dans notre secteur, comme dans tous les autres, il faut qu’il reste une part de rêve, d’inaccessible, de luxe. Personne ne crache sur Vuitton pour leurs sacs hors de prix.

Et avant que vous vous attaquiez à moi : Non, je ne suis pas riche. Non, je n’ai pas 300 tubes sur une étagère, et puis à quoi bon? Non, je ne poste pas deux vape-mail par semaine sur Facebook, en arguant que je n’ai pas d’argent pour acheter de l’original. Par contre, j’ai conscience que si les clones n’existaient  pas, ou ne se vendaient pas, mécaniquement, les originaux se vendraient plus, et donc leurs prix chuteraient. La loi du marché.

Pensez aussi aux pouvoirs publics, qui nous adore c’est bien connu. Quand ils brandiront la limite de l’importation pour « endiguer la propagation des contrefaçons », on aura l’air malin.

J’ai conscience aussi que si nos cigarettes électroniques marchent aussi bien aujourd’hui, c’est uniquement grâce à des artisans qui ont innové.

Et l’innovation, ce n’est pas gratuit.